Psaumes #2
Happi la tristesse du roi

Psaumes
Point de départ

« Ce projet part d’une trajectoire personnelle. Je suis catholique et animiste, né d’un père musulman et animiste, d’une mère chrétienne et très pratiquante (Eglise apostolique romaine traditionnelle). Influencé par ma mère (avec la tolérance et la bienveillance de mon père), j’ai effectué tout mon parcours scolaire dans des établissements catholique. J’ai été de l’école maternelle à la fin de mes études supérieures dans la communauté des jésuites. Parallèlement, de par mon père, j’ai effectué des rites et cultes animistes jusqu’à un stade bien avancé. Certains rituels animistes que nous pratiquions étaient (sont) interdits par le christianisme, mais toléré par l’islam. Les deux religions jugeant ces rituels archaïques, voire diaboliques. La transgression a donc, depuis le bas âge, fait partie de mon quotidien. Toujours présente, jamais assumée. J’ai porté en moi, durant de longues années, sur le plan religieux et spirituel plusieurs conflits.

Je suis né dans une société où le sacré est présent au quotidien, aussi bien dans l’espace public que dans le privé. J’ai grandi dans une autre société qui revendique sa laïcité, où le sacré à été déplacé en périphérie, voire à la marge.
Voilà qu’a surgi un nouveau conflit.

Je veux aujourd’hui questionner les tissus de la relation.

Animiste ou chrétien ?
Chrétien ou musulman ?
Musulman ou animiste ?
Laïque ou religieux ?
Et si j’étais tout cela à la fois ?
Et si je n’étais rien de tout cela ?
Comment tisser ma relation à l’autre ? à moi même ? « 

James Carlès

 

Le célèbre et dernier tableau de Henri Matisse avec ce qu’il témoigne de force vitale, de maitrise et d’affirmation de la couleur contre l’obscurité

Psaumes #2

« Quand James m’a fait la demande d’un solo, il y a peu, nous nous connaissions depuis de nombreuses années. Je gardais le souvenir d’un jeune homme à la danse précise, hésitant à se lancer dans la grande empoignade de l’art. De loin en loin nous nous croisions, conscients de partager ce que j’ai su nommer ce jour là dans le brouhaha d’un café tandis que nous échangions : une certaine tristesse qui maintenait tendu le l de notre relation.

Je sais où ma tristesse plonge ses racines. Je sais aussi reconnaître quand je les croise, mes frères d’infortune. Je proposais à James que le solo s’intitule « La Tristesse du Roi ». Le célèbre et dernier tableau de Henri Matisse avec ce qu’il témoigne de force vitale, de maitrise et d’affirmation de la couleur contre l’obscurité à venir me paraissait un bon présage, opposant comme un démenti à la connotation un peu dépressive du titre.
Nous parlions.

Cette tristesse, James disait l’éprouver comme toute sa famille, son père surtout. Il me conta un peu de son histoire. Le Cameroun, les Bamiléké, Bana, la ville de sa naissance et le roi Happi, attristé lui aussi par la perte de son monde dans la marche fracassante de la modernité africaine. Je saisissais mieux l’enjeu. Je voyais James, son ambition et sa détermination d’homme à dire sa propre parole. Je souhaitais l’aider à l’exprimer dans toute sa complexe vérité. Créer pour lui une danse qui l’aider à réaliser le voeu et tenir cette parole donnée un jour alors qu’à peine un homme, il promettait de revenir vers la terre de ses ancêtres chargé de savoir et riche de voyages. Ce pouvait être en effet cela, son retour au pays natal.

Danser vraiment. Être un homme debout, une force qui va. Faire un pas, le suivant et tracer sa propre route comme on se construit un destin. Qu’importe la terre quand c’est nous qui faisons le chemin. Nous allons entreprendre ce travail, main dans la main. Main noire dans main blanche, survivants de nos blessures, esclaves du temps mais seigneurs de nous mêmes. »

Heddy Maalem

Chorégraphie, Danseur/interprète, James Carlès
Direction artistique, Metteur en scène, Co-Chorégraphe, Montage musical Heddy Maalem
Scénographie Emmanuel Tussore et Rachel Garcia
Vidéo, Photographie Emmanuel Tussore
Spécial remerciements Ballet du Nord, CDCN Toulouse, CIAM Toulouse, CNDC d’Angers, Festival Viva Danca Salvador de Bahia (Brésil)